Résumé du rapport Race et prise de décision en matière de poursuites : une analyse du bureau régional de la Colombie-Britannique du Service des poursuites pénales du Canada - Septembre 2022
Rapport et résumé du rapport préparés par Lauren McAuley, directrice de recherche, et Jessica Lawn, avocate-conseil et chef d’équipe en Colombie-Britannique
© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2023
No de catalogue : J79-18/2-2023F-PDF
ISBN : 978-0-660-49484-5
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Contexte
En novembre 2021, le Bureau du commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique a publié un rapport résumant son enquête sur les disparités raciales dans les services de police. Le rapport intitulé « Equity is safer: Human rights considerations for policing reform in British Columbia », décrit les conclusions de Scot WortleyFootnote 1. Dans l’ensemble, les recherches de M. Wortley ont révélé une surreprésentation importante des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC)Footnote 2 dans les données d’arrestation de cinq régions de la Colombie-Britannique (C.-B.) : Vancouver, Surrey, Prince George, Duncan/Nord Cowichan et NelsonFootnote 3.
En réponse aux conclusions publiées par le Bureau du commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique, le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) a voulu évaluer les effets qui découlent des disparités raciales et ethniques dans les services de police en C.-B. sur le travail des procureurs. Le bureau régional de la Colombie-Britannique (BRCB) a entrepris sa propre analyse, et le présent rapport est le point culminant de la recherche sur l’effet des disparités raciales et ethniques dans les services de police sur les opérations et le processus décisionnel du BRCB du SPPC et les répercussions qui en découlent sur le système de justice pénale. En plus d’étudier les effets qui découlent des disparités raciales dans les services de police, le projet a cherché à répondre à des questions plus générales sur le rôle que joue le SPPC dans la lutte contre les disparités raciales présentes dans le système de justice pénale de la C.-B.Footnote 4 Bien que le rôle des services de police soit souvent évoqué dans les recherches sur les inégalités raciales dans le système de justice canadienFootnote 5, le rôle qu’exercent les procureurs dans la durée de vie d’un dossier criminel n’est pas souvent étudié. C’est pourquoi un rapport détaillé a été créé pour répondre aux questions suivantes :
- Dans quelle mesure certains groupes de PANDC sont-ils surreprésentés ou sous-représentés dans les dossiers du BRCB du SPPC?
- Quel est le rôle des décisions relatives à l’approbation des accusations dans l’augmentation ou la diminution des disparités raciales présentes dans les données d’arrestation de la C.-B.?
- Y a-t-il un lien entre la race ou l’origine ethnique de l’accusé et l’issue de son dossier?
- Dans quelle mesure le rôle joué par le SPPC peut-il réduire ou amplifier les disparités raciales présentes dans le système de justice de la C.-B.?
Il est important de noter que l’enquête menée par le BRCB du SPPC est préliminaire et que le rapport complet se limite à l’analyse de la race ou de l’origine ethnique et de la prise de décisions par les procureurs. Nous reconnaissons que la race n’est qu’une facette de l’identité d’un accusé. Bien qu’une analyse intersectionnelle de la prise de décision en matière de poursuites aurait été idéale, nous n’avons pas été en mesure de mener un projet d’une telle envergure. Les conclusions tirées sont importantes pour mener à un changement positif au sein du SPPC et nous espérons que les résultats de ce rapport mèneront à d’autres recherches et consultations.
Rôle du procureur
Le rapport est axé sur les processus décisionnels des procureurs fédéraux du BRCB. Le pouvoir discrétionnaire est l’élément central du travail des procureursFootnote 6. Chaque poursuite, du début à la fin, requiert que les procureurs prennent des décisions indépendantes et fondées sur les politiques établies. Ces décisions orientent à leur tour le cours d’une procédure. Les autres participants du système de justice réagissent souvent aux décisions prises dans le cadre d’une poursuite. Ainsi, il importe de jeter un regard critique sur le processus décisionnel des procureurs, car l’usage régulier qu’ils font de leur pouvoir discrétionnaire influencera considérablement les procédures relatives aux dossiers, d’autant que de petites décisions, comme les observations sur la mise en liberté sous caution, peuvent avoir des effets à long terme pour l’accusé.
Lorsque les procureurs reçoivent un dossier afin d’approuver les accusations retenues, l’identité de l’accusé, les circonstances entourant l’incident, et la nature de l’interaction entre la police et cette personne sont connues. Les procureurs doivent ainsi travailler dans les limites de facteurs prédéterminés et potentiellement biaisés. Le rapport montre que même si les décisions prises au niveau individuel peuvent être appropriées compte tenu des faits en cause, lorsqu’elles sont examinées dans leur ensemble, elles ont plutôt entraîné une surreprésentation des Canadiens autochtones et noirs, ainsi que des Canadiens issus d’autres groupes de minorités raciales dans le système de justice pénale. Le rapport ne démontre pas l’existence de « pommes pourries » au sein de l’organisme ou d’individus qui appliqueraient incorrectement le critère relatif à l’approbation des accusations. Il présente au contraire des éléments concrets permettant d’améliorer les pratiques actuelles du BRCB du SPPC et propose à la direction des moyens de conférer aux procureurs le pouvoir de prendre des décisions qui réduiraient les inégalités raciales présentes dans le système judiciaire de la C.-B.
Tout au long de la rédaction du rapport, nous avons constaté que le processus décisionnel des procureurs en matière de poursuite est souvent empreint d’une culture qui tient du daltonisme. Une approche daltonienne renvoie au fait d’ignorer la race afin de maintenir une image de soi égalitaire. Cette tendance en matière de prise de décision reflète l’idée plus large selon laquelle les procureurs considèrent que toutes les personnes sont « égales devant la loi. » Par conséquent, le daltonisme peut être à l’origine de résultats globaux négatifs, puisqu’il est susceptible de créer un faux sentiment d’équité dans le travail des procureurs.
Méthodologie de recherche
Pour répondre aux questions de recherche énumérées ci-dessus, l’équipe de recherche de la C.-B. s’est inspirée du rapport publié par le Bureau du commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique et en particulier du travail précurseur de Scot Wortley. Nous avons utilisé plusieurs des techniques de M. Wortley pour concevoir un modèle de recherche qui serait à la fois efficace et réalisable, étant donné les contraintes de temps du projet.
L’équipe de recherche a évalué, dans le cadre du projet, toutes les accusations portées en vertu des articles 4(1) et 5(2)Footnote 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) dans cinq régions de la C.-B. en 2017. Grâce à des critères d’inclusion précis, nous avons pu concevoir un ensemble de données détaillées comprenant 424 dossiersFootnote 8. Les infractions visées ont été choisies parce qu’elles correspondaient aux deux accusations les plus souvent portées dans la région de la C.-B. en 2017Footnote 9. En outre, elles comportent le plus grand risque de partialité de la part de la police. Les accusations liées aux articles 4(1) et 5(2) de la LRCDAS résultent souvent d’activités policières opportunistes telles que les interpellations aléatoiresFootnote 10, les contrôles routiersFootnote 11 et les patrouilles de rueFootnote 12. L’année 2017 a été étudiée, car elle permettait de s’assurer que les dossiers avaient été menés à terme et qu’ils n’avaient pas été touchés par la période pandémique. Le rapport complet comprend des graphiques, des études de cas ainsi que l’ensemble des données.
Terminologie
Pour mener des recherches sur la race, il faut nécessairement se fonder sur des catégories raciales et ethniques. Dans le rapport, comme dans les travaux de M. Wortley, ces catégories figurant au recensement ont été combinées pour créer une symétrie avec les options de catégorisation qui figurent dans les bases de données des services de police.
Tout au long du rapport, les termes « minorités raciales » et « PANDC » seront utilisés pour décrire les personnes qui s’identifient comme étant autochtones, noires, asiatiques, sud-asiatiques, hispaniques, ou moyen-orientales/arabes. Nous sommes conscients que la justesse et l’inclusivité des termes « minorités raciales » et « PANDC » ont également été remises en question, mais nous pensons que, conformément aux pratiques gouvernementales actuelles, cette terminologie est appropriée pour la période viséeFootnote 13.
Conclusions principales
Données relatives aux arrestations
Notre recherche a montré que, sur la base des estimations de la population, la police a procédé des arrestations et recommandé des accusations de manière disproportionnée pour certains groupes. Plus précisément, les personnes autochtones étaient largement surreprésentées, mais les personnes blanches, noires, hispaniques et asiatiques occidentales/arabes l’étaient également. Il est essentiel d’évaluer ces disparités raciales pour comprendre la surreprésentation des PANDC observée dans la pratique du SPPC. On ne verra aucun changement dans la surreprésentation des minorités raciales dans le système judiciaire de la C.-B. tant qu’il n’y aura pas une réduction significative des inégalités raciales actuellement présentes dans les pratiques policières. En effet, comme les procureurs reçoivent de manière disproportionnée des dossiers impliquant des PANDC accusés, il est probable qu’ils poursuivent ces groupes de personnes de manière disproportionnée. Bien que cette base d’iniquité soit fondamentale pour comprendre la surreprésentation actuelle des PANDC accusées dans le travail du SPPC, elle n’absout pas les procureurs de leur responsabilité de réduire le problème de surreprésentation des Autochtones, des Noirs, ainsi que des accusés issus d’autres minorités raciales dans le système de justice de la C.-B.
Données relatives à l’approbation des accusations
La décision d’approuver ou non des accusations est la première et, sans doute, la plus importante décision que les procureurs prennent dans le cadre d’un dossier criminelFootnote 14. Notre recherche a montré que différents groupes de PANDC ne bénéficient pas de l’analyse de l’approbation des accusations au même titre que leurs homologues blancs. En clair, au lieu de réduire leur proportion dans le système de justice pénale, la décision d’intenter des poursuites a eu un effet négatif sur certains groupes de PANDC. Ces résultats sont démontrés par deux constats importants de l’analyse de l’approbation des accusations.
Premièrement, les procureurs de Vancouver, Nelson et Duncan n’ont pas exercé leur pouvoir discrétionnaire de refuser le dépôt d’accusations. Par conséquent, le niveau de surreprésentation des accusations acheminées par les services de police a été maintenu. Ceci veut dire que les personnes noires continuent d’être surreprésentées à un taux de 790 % et les Autochtones continuent d’être surreprésentés à un taux de 781 % comparativement à leur poids démographique à Vancouver. Dans les trois régions, l’absence de décision quant à l’approbation des accusations a un effet disproportionné sur les personnes blanches, autochtones, noires, hispaniques et asiatiques occidentaux/arabes qui étaient déjà surreprésentées dans les dossiers transmis par les services de police.
Deuxièmement, à Surrey et à Prince George, les procureurs ont exercé leur pouvoir discrétionnaire de refuser de porter les accusations transmises par la police, mais cette décision a augmenté la surreprésentation des groupes de PANDC. Plus précisément, la décision de refuser de porter des accusations a entraîné une représentation accrue des Autochtones dans les dossiers du SPPC de 156 % à Surrey et de 36 % à Prince George comparativement aux dossiers de police. De plus, à Surrey, cette décision s’est aussi traduite par une représentation accrue des personnes hispaniques et asiatiques.
Données relatives à la détention
Après la décision de poursuivre, la prochaine décision clé est la position de la Couronne à l’égard de la mise en liberté sous cautionFootnote 15. Des recherches antérieures nous ont appris que les stéréotypes et les préjugés raciaux font que les accusés noirs, autochtones et hispaniques risquent davantage d’être détenus ou de se voir imposer des conditions de mise en liberté sous caution plus sévères que leurs homologues blancsFootnote 16. Conséquemment, la position de la Couronne sur la mise en liberté sous caution est essentielle pour comprendre la surreprésentation des PANDC dans la population carcérale.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons constaté d’importantes différences dans les positions prises par les procureurs sur la mise en liberté sous caution en fonction de la race de l’accusé. À Vancouver, les procureurs ont demandé la mise en détention initiale des accusés appartenant aux groupes de PANDC de façon disproportionnée, alors qu’à Surrey, les procureurs ont sollicité la détention des PANDC accusées après la délivrance d’un mandat d’arrêt de façon disproportionnée. Il convient de noter que tant à Vancouver qu’à Surrey, la position des procureurs en matière de détention n’a pas varié en fonction du casier judiciaire de l’accusé.
Ces tendances sont particulièrement importantes étant donné le rapport entre la détention et le plaidoyer de culpabilité, puisque les personnes placées en détention provisoire sont plus susceptibles de plaider coupable que leurs homologuesFootnote 17.
Données relatives aux arrêts de procédures
En général, un arrêt de procédures devrait être le résultat de l’obtention d’informations supplémentaires ou d’un changement de circonstances. Cependant, notre examen a démontré qu’il y a plusieurs exemples où les procureurs auraient pu remettre en question la décision d’intenter une poursuite en raison d’un problème particulier (comme une violation de la Charte) dès le début du dossier, mais ont décidé de persister quand même avec la poursuite pour finalement déposer un arrêt des procédures plus tard en invoquant le même problème. Ceci pourrait révéler un manquement dans l’application du critère d’approbation des accusations au début, qui fait en sorte que certains groupes de personnes font l’objet d’accusations alors que d’autres bénéficient de la décision du poursuivant de refuser de porter des accusations.
Un survol des cinq régions démontre que les dossiers impliquant des accusés noirs, sud-asiatiques, asiatiques, et asiatiques occidentaux/arabes ont mené à des arrêts de procédure de manière disproportionnée. Les données relatives aux arrêts de procédures couplées à celles relatives à l’approbation des accusations révèlent des disparités dans le résultat des dossiers en fonction de la race de l’accusé. Premièrement, bien que les dossiers des personnes noires et asiatiques soient significativement surreprésentés dans les statistiques d’arrêts de procédures, ces dossiers ne sont pas associés à une surreprésentation des accusations ayant été abandonnées. Il ne semble donc pas y avoir de lien entre les décisions de porter des accusations et les décisions d’arrêter les procédures pour les personnes noires et asiatiques.
Deuxièmement, les personnes sud-asiatiques sont surreprésentées tant dans les décisions relatives au fait de ne pas approuver les accusations que dans les décisions relatives aux arrêts de procédures. Les personnes sud-asiatiques sont ainsi sous-représentées de manière disproportionnée dans les dossiers qui aboutissent à une peine.
Enfin, sur les trois groupes (autochtones, hispaniques, asiatiques occidentaux/arabes) qui étaient surreprésentés dans l’approbation des accusations, seules les personnes asiatiques occidentales et arabes étaient encore surreprésentées dans les dossiers menant à un arrêt des procédures. Ainsi, la sous-représentation des personnes d’origine asiatique occidentale/arabe dans les décisions de ne pas porter d’accusations a été compensée par une surreprésentation des décisions d’arrêter les procédures. La même compensation n’a pas été observée dans les données relatives aux Autochtones et aux Hispaniques.
Éclairage sur les résultats des dossiers des accusés autochtones
Étant donné l’importante surreprésentation des personnes autochtones dans le système de justice pénale de la C.-B.Footnote 18 et les appels à l’action lancés par la Commission de vérité et réconciliation, il est important de porter une attention particulière aux résultats des dossiers impliquant des Autochtones. Nous avons donc choisi, aux fins de cette analyse, de nous concentrer sur les deux plus fortes concentrations géographiques, Vancouver et Surrey.
À Vancouver, les personnes autochtones sont largement surreprésentées à un taux de 781 % pour les arrestations et les mises en accusation lorsqu’on les compare à leur poids démographique estimé par le dernier recensement. Durant toutes les étapes d’une poursuite, les Autochtones sont nettement sous-représentés dans les cas d’arrêt de procédures et d’acquittement. Par contre, ils sont surreprésentés dans les plaidoyers de culpabilité et les incarcérations. En comparaison, les personnes blanches sont presque parfaitement représentées par rapport à leurs données démographiques. Puisque nous avons constaté qu’il est courant à Vancouver que des accusations soient portées et que celles-ci fassent ensuite l’objet d’un arrêt des procédures, il est possible que les accusés autochtones ne bénéficient pas autant des arrêts de procédures parce qu’ils plaident coupables de façon disproportionnée. Enfin, lorsque les personnes autochtones sont reconnues coupables, elles ont considérablement plus de chances d’être incarcérées.
Nous avons constaté les mêmes tendances dans la région de Surrey. Les Autochtones sont largement surreprésentées dans les accusations soumises au SPPC et approuvées. Il est important de noter que les mandataires de Surrey, contrairement à ceux de Vancouver, exercent souvent leur pouvoir discrétionnaire de rejeter les accusations. Cependant, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne profite toutefois pas aux Autochtones, mais augmente plutôt leur surreprésentation dans les dossiers par 156 %. Cela peut avoir une incidence sur la surreprésentation subséquente des Autochtones dans les dossiers qui aboutissent à un arrêt des procédures. À Surrey, comme à Vancouver, les personnes autochtones sont surreprésentées dans les dossiers qui se terminent par un plaidoyer de culpabilité. Cependant, contrairement à Vancouver, les Autochtones à Surrey ne sont pas représentées de manière disproportionnée dans les situations d’incarcération.
Conclusion
Le pouvoir discrétionnaire est l’élément central du travail des procureursFootnote 19. Chaque poursuite, du début à la fin, requiert que les procureurs prennent des décisions indépendantes et fondées sur les politiques établies. Ces décisions orientent à leur tour, le cours d’une procédure. Toutes les possibilités d’un dossier criminel commencent par la décision d’un procureur. Ainsi, les procureurs de la Couronne « doivent se conformer à l’obligation éthique d’agir de façon indépendante, juste et objective, sans intention négative ou positive envers le suspect ou l’accusé ». Par contre, nos recherches démontrent que les Canadiens autochtones et noirs ainsi que les Canadiens issus d’autres groupes de minorités raciales sont surreprésentés dans les principales décisions, mais aussi dans l’ensemble des poursuites menées dans la région de la C.-B. Ainsi, le rapport met en lumière des éléments tangibles à améliorer dans les pratiques actuelles du BRCB du SPPC et offre des possibilités à la direction de donner aux procureurs le pouvoir de prendre des décisions qui réduisent les inégalités raciales présentes dans le système de justice de la C.-B. Le SPPC, par le biais de mesures guidées par l’équité, peut prendre les mesures nécessaires en vue d’améliorer le système de justice de la C.-B. pour les PANDC.
Recommandations
Le rapport formule six recommandations qui, en s’appuyant sur les données recueillies, fournissent des pistes de réflexion en vue d’améliorer les activités du SPPC.
1. Responsabilité en matière de prise de décision indépendante
Les travaux menés dans le cadre du présent rapport ont mis en évidence le fait que bien qu’une décision individuelle puisse être justifiée, il est possible de dégager des décisions prises globalement des tendances problématiques et inéquitables. Comme nous l’avons démontré, les renseignements présentés aux procureurs ne reflètent pas toujours de manière adéquate la race ou l’origine ethnique exacte d’une personne accusée. Il semble que les procureurs abordent la question de la race ou de l’ethnicité selon l’approche d’une justice aveugle ou daltonienne. Cette approche peut être à l’origine des résultats globaux, qui montrent une surreprésentation des Canadiens autochtones et noirs ainsi que des Canadiens issus d’autres groupes de minorités raciales dans les poursuites du SPPC. Nous espérons encourager la prise de décision basée sur l’équité et une analyse plus nuancée dans le travail des procureurs dans l’espoir de les aider à reconnaître et à contrer tant les préjugés individuels et organisationnels que les préjugés systématiques auxquels ils pourraient faire face. En étant plus conscients de l’influence de ces préjugés, les procureurs peuvent contribuer à réduire la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et des autres groupes marginalisés dans le système de justice pénale. Plus précisément, nous espérons donner aux procureurs les moyens de rechercher des renseignements supplémentaires et de développer une application plus stricte du critère de décision de poursuivre afin de garantir que toutes les poursuites servent l’intérêt du public.
Un changement tangible peut être accompli grâce à une application plus stricte du critère de la décision de poursuivre, à un meilleur soutien de la gestion pour des poursuites axées sur l’équité, et à une politique de tolérance zéro pour tout langage problématique.
2. Demande de renseignements sur l’accusé dans la lettre de divulgation
Dans la pratique actuelle du SPPC, la race ou l’origine ethnique d’un accusé est largement déterminée en fonction de la catégorisation utilisée par la police lors du téléchargement du rapport d’incident dans le système JUSTIN. Nos conclusions, qui reprennent celles de M. Wortley dans son rapport au Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, montrent que la catégorisation raciale de la police est souvent fondée sur la perception de l’agent qui procède à l’arrestation ou sur les renseignements déjà contenus dans la base de données de la police. Se fier à la perception de la race par les policiers pose toutefois de nombreux problèmes, le plus flagrant étant qu’ils se trompent souvent dans leur catégorisation.
Le meilleur mécanisme pour demander l’auto-identification de l’accusé est de passer par l’avocat de ce dernier. Si certains procureurs s’y activent déjà au moyen de courriels informelsFootnote 20, un mécanisme officiel est nécessaire. Nous recommandons d’ajouter la demande suivante au formulaire de divulgation envoyé à tous les avocats de la défense :
- Veuillez préciser toute caractéristique individuelle de l’accusé qui pourrait avoir une incidence sur son dossier. Cela comprend la race ou l’identité autochtone autodéclarées, les circonstances de vie actuelles et les antécédents de traumatismes ou de marginalisation.
En demandant ces données, les procureurs peuvent s’acquitter de leur obligation d’obtenir une issue et une peine plus adéquate pour les personnes autochtones et les autres groupes raciaux et ethniques surreprésentés dans le système de justice pénale.
3. Amélioration de la tenue des dossiers au SPPC
L’une des plus grandes difficultés rencontrées lors de la réalisation du projet a été le manque de documents disponibles pour les dossiers évalués. De plus, les procédures relatives aux renseignements téléchargés dans iCase n’étaient pas claires. Il a donc fallu faire, pour les documents reçus, de nombreux recoupements avec le dossier physique. Afin que l’on puisse continuer d’examiner les pratiques du SPPC en tenant compte des données, il est recommandé d’apporter des changements organisationnels pour préciser quelles accusations sont téléchargées dans iCase, préciser le libellé utilisé par les procureurs, s’assurer que certains documents sont téléchargés dans iCase, et créer des mécanismes pour assurer le respect des politiques de téléchargement de documents.
4. Formation accrue avec de meilleurs mécanismes d’évaluation
Une formation et des ressources accrues en matière d’équité, de diversité, d’inclusion et d’accessibilité (EDIA) pour le personnel du SPPC sont une priorité ministérielleFootnote 21. La recherche a montré qu’une formation et une sensibilisation accrues aux préjugés raciaux implicites peuvent conduire à une réduction des décisions partialesFootnote 22. La formation doit toutefois être assortie d’une évaluation. Des mécanismes doivent être mis en place pour déterminer si la formation offerte en matière d’EDIA est efficace. On pourra ainsi s’assurer que le SPPC joue un rôle actif dans la réduction des disparités raciales présentes dans le système de justice canadien.
5. Soutien accru aux mesures de rechange
Il existe un large éventail de mesures de rechange dans la région de la Colombie-Britannique, telles que les tribunaux des Premières Nations, les tribunaux de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances et les programmes de mesures de rechange. Chaque programme offre aux délinquants des solutions de rechange au système traditionnel de justice pénale. Pour les délinquants appartenant à des groupes de PANDC, les mesures de rechange peuvent offrir une expérience ciblée, axée sur le traitement. Tout au long de notre examen, ces services ont semblé être sous-utilisés par les procureurs de la Colombie-Britannique. Par exemple, seulement 14 des 89 délinquants primaires ont été orientés vers des mesures de rechange.
Un recours accru aux mesures de rechange permettrait aux délinquants de toutes races de bénéficier des effets positifs de ces mesures. En acceptant et en encourageant l’utilisation de mesures de rechange, les procureurs du SPPC peuvent s’employer à accroître les expériences positives des délinquants au sein du système judiciaire de la Colombie-Britannique.
6. Projet pilote de Surrey
À la fin de 2022, le BRCB du SPPC ouvrira un nouveau bureau local à Surrey. Ce bureau remplacera les deux cabinets de mandataires qui dirigent actuellement les poursuites à Surrey. Comme il couvre le palais de justice le plus fréquenté de la Colombie-Britannique, le nouveau bureau de Surrey traitera un grand nombre d’affaires.
Le nouveau bureau offre une occasion unique pour un nouveau départ en matière de collecte de données et pourrait être le site d’un projet pilote. En façonnant les processus et les normes du nouveau bureau de Surrey au moyen d’une optique équitable et axée sur la race, le SPPC pourrait évaluer l’efficacité des nouveaux processus pour la reconnaissance de l’équité raciale dans les poursuites.
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